La Breizh team
Il s’agit de la cinquième édition de cette épreuve dénommée “Je marche, tu marches… nous marchons”, organisée à l’initiative de Jean-Pierre Kolasinski de l’association Nordic Horizon avec le concept d’une marche en duo (soit mixte homme/femme, soit deux femmes). Le lieu : Breuillet, une jolie commune de l’Essonne et terrain de jeu d’Angélique Doms et de Sébastien Dos Santos de la Team Guidetti Nordic Performance sur un parcours de 13 km. Le principe de la course en duo avec des départs en contre-la-montre, ludique et attractif, a fait mouche et le plein d’inscrits : 153 duos ont répondu présents.
Et parmi ceux-ci, il fallait compter avec la team Breizh : vos deux serviteurs, Pascal et moi (Courir à Saint-Avé), qui ont pris leur calèche depuis leur Finistère et ont été accueillis pour la nuit chez les “Pirates” rennais Céline Beucher et Denis Leux du club Haute Bretagne Athlétisme (HBA). L’hospitalité chevillée au corps, ils nous ont même fait l’honneur de nous dégourdir les papattes ensemble pour nous faire découvrir leur parc du Chêne joli. Une entrée en matière des plus réjouissantes.
Nos deux hôtes chaleureux n’en restaient pas moins des adversaires. Tous les coups sont permis : nous avons essayé de les alourdir en leur proposant un kouign amann. Mais tentative ratée : pas nés de la dernière pluie, ils ont préféré décaler la dégustation au lendemain soir, après la course. La team Breizh était complétée de Martine Hameillon et Christian Ricard (Athlé du pays de Redon).
306 marcheurs au départ
Nous étions quelque 300 marcheuses et marcheurs motivés et souriants dans les starting-blocks. L’enthousiasme était palpable et l’ambiance au top. Toutes les 10 secondes, un départ était lancé par le précis et impeccable capitaine, Jean-Pierre Kolasinski. Le tout en musique et sous les encouragements de tous. L’ordre des départs avait été préparé au vu des temps réalisés lors des courses. Les premiers étaient donc les derniers.
Premier duo à partir : Claude Larmoyer et sa camarade Françoise Barats (US Palaiseau). Celui-ci fait un très beau départ, fougueux et déterminé, et se classe 129 sur les 147 binômes arrivés (eh oui il y eut quelques abandons), en bouclant les 13 km en moins de deux heures.
De notre côté, nous étions surpris d’avoir été placés parmi les derniers couples, mais quand même séparés de Céline et Denis, derrière nous, par deux couples. Pour nous l’enjeu n’est pas le MNT (Marche Nordique Tour) ni les points ; on s’en fiche bien. Tenir tête à nos amis Rennais, ça oui, ça nous tenait à cœur. Céline a beau rester sur ses gardes, parfois, quand le vent souffle du bon côté, je peux la doubler.
Et nous savions que ce concept imaginé par Jean-Pierre allait nous réserver des surprises, en ce qu’il exige réflexion et stratégie bien différentes d’une course solo… La course, et c’est là que réside tout son intérêt, va tendre plusieurs pièges aux compétiteurs, outre bien sûr, les traditionnelles difficultés offertes par le parcours choisi ou la météo du jour (qui a été particulièrement clémente avec nous ce 4 février : ni pluie, ni grand froid, pas de boue ni de verglas).
Contre-la-montre…
L’une des grandes différences avec une course classique réside en ce départ en décalé, toutes les 10 secondes. Dans ce cas, on peut soigner son démarrage, sans peur de se prendre des bâtons, sans crainte de la chute. Du reste, ce serait intéressant de concevoir des courses officielles avec des départs moins dangereux, mais là est un autre débat.
En duo, on part pleine balle ou pas, c’est selon la course que l’on veut faire. Si les compétiteurs veulent gagner sur leurs adversaires, le principe reste le même : un démarrage en force. Mais il y a un effet masqué : on ne sait pas où se situe son adversaire : devant ou derrière ? Combien de temps derrière ? Combien de temps devant ? Tu marches à fond, mais avec une notion assez floue du danger qui se rapproche… sauf lorsqu’on est le Pirate, et que l’on crie toutes les vingts secondes “ON ARRIVE !”, ce qui même a postériori, te file encore les chocottes…
Gagner contre-la-montre est en soi une expression qui donne le vertige. On ne gagne pas CONTRE la montre. Il serait plus juste de dire que l’on gagne contre soi-même. Avec cette sensation de devoir accélérer en permanence et cette perception qui nous fait perdre les repères tangibles et familiers d’une course traditionnelle : l’adversaire devant que l’on doit rattraper et/ou celui que l’on doit réussir à distancer derrière.
… Et stratégie
Le temps devient mouvant quand le seul repère dont on dispose sera les couples que l’on dépasse au fil de la course. Il faut en dépasser le plus possible, et selon ton ordre de départ, tu vas dépasser beaucoup de compétiteurs, mais aussi te faire dépasser. Ainsi les derniers qui seront les premiers (vous suivez ?) vont nous dépasser assez tôt dans la course.
Cela pourrait devenir un exercice de mathématiques de CM2 : à quelle durée de la course le duo troyen va-t-il dépasser le duo essonnien, sachant qu’ils marchent à 0,1km/h de plus ? Un côté très sympa qui ajoute à la convivialité du moment est ainsi de pouvoir discuter avec les autres marcheurs, au moment du dépassement qui nécessite a minima un “à droite”, “à gauche” ou encore “non, l’autre droite” pour avertir du dépassement, et plus si affinités…
Une stratégie pour quatre jambes, quatre bâtons ET deux cerveaux… Ce n’est pas “je marche, tu marches”, mais “nous marchons”. Cette course ne nécessite pas seulement de la force dans les jambes pour grimper sur les jolies crêtes du parcours, pas seulement du mental pour remonter tout le cortège et accélérer dans les endroits difficiles…
Non, il fallait aussi penser à deux. Qui plus est lorsque l’élément plus rapide du duo est souvent l’élément masculin (je les ai à l’œil, ceux qui pensent à ça)… Il serait intéressant de comparer avec l’expérience des binômes féminins, dont le nombre s’élevait à 48 et d’analyser si les forces alliées par deux – peut-être plus homogènes – permettaient une course moins complexe à gérer. À noter que c’est le duo Apolline Mazureck – Amélie Fortier d’Azimut Sport Compétition Fontainebleau qui a gagné sous ce format samedi 4 février.
La théorie de l’élastique
Pour gagner, comme l’ont fait Delphine Pese et Rodolphe Cressonnier – au passage en confirmant leur coup d’essai-coup de maître en 2022 -, il faut tenir compte d’une notion essentielle : la théorie dite de l’élastique. Si des esprits physiciens se penchent sur cette notion, nul doute qu’ils y trouveront des fondements scientifiques. Les composants du duo constituent un seul corps qui doit marcher à des allures suffisamment proches, pour que le second profite de l’aspiration du premier, et que le premier ne casse pas l’allure ni ne largue son partenaire en pleine descente ou montée, par exemple. Les entraînements sont à mener dans ce sens-là, pour garantir une progression efficace à deux.
Ce “secret” m’a été transmis par la fée Delphine, sorte de Morgane de la marche nordique, mais une fois la course finie… Les Pirates nous avaient déjà ratatinés, en nous mettant trois minutes d’écart dans la vue. Le Pirate connaît les lois de la navigation… Il a su entraîner sa complice loin devant, hors de portée même de nos canons. Leur caravelle est arrivée 11ème, la nôtre 25ème. Rapidement rejoints par le 3ème couple armoricain, Martine Hameillon et Christian Ricard, nous avons immortalisé l’instant devant le photographe de la course.
Les Pirates nous ont eus probablement grâce à un meilleur entraînement général de marche ensemble et d’une compréhension plus fine de l’enjeu de rester soudés l’un et l’autre pour générer un élan redoublé. Quant aux seconds de la course, Angélique a subi deux chutes, ce qui l’aura freinée et endolorie pour monter sur la première marche. Delphine et Rodophe ont eux exploité à plein régime cette stratégie, sachant qu’à ce niveau de compétiteurs, la différence se fait sur la vitesse féminine.
Nous sommes rentrés dans nos pénates à la nuit tombante, tant nous retardions l’heure du largage des amarres à discuter avec les uns et les autres de la grande famille de la marche nordique. Nous étions fatigués et heureux. L’ensemble des compétiteurs a salué la qualité de la course, dont l’organisation au cordeau, n’empêcha pas beaucoup de convivialité avec un ravitaillement final très bon, un photographe avec photomaton pour des photos-souvenirs avec chapeaux et une mise en musique festive.
Epilogue de la course pour la team Breizh : tous réunis autour d’une bière et d’un kouign amann le soir dans un bourg de la campagne rennaise pour fêter une belle journée sportive et festive !
Voir : Résultats 2023 de la marche nordique en duo de Breuillet