Ivan Raça, qui es-tu ?
Je dirais que je suis à la fois chercheur, coureur et speaker sportif. Chercheur, car je suis docteur en sciences du sport et je viens d’intégrer en tant que docteur le laboratoire Comete, qui fait partie de l’Université de Caen, pour étudier toutes les données du trail de Clécy qui a eu lieu en novembre dernier. Coureur, car j’ai été athlète spécialiste du fond et du demi-fond et marathonien avec un record personnel de 3h06 avant de me mettre au trail en 2021 pour la course de Font-Romeu. Enfin speaker, car j’anime depuis quatre ans différentes compétitions de courses sur routes et trails ainsi que de marche nordique, dont les derniers Championnats de France.
J’ai également écrit plusieurs ouvrages basés sur mon expérience personnelle : Pour une foulée efficiente (Amphora, 2018), 70 jours pour réussir mon premier marathon (Amphora, 2019), Sport et troubles du comportement alimentaire (L’Harmattan, 2021) et 70 jours pour réussir mon (premier) trail (L’Harmattan, 2021). Ce dernier ouvrage relate l’entraînement que j’ai effectué pour préparer le trail de Font-Romeu en juin 2021, une course de 45 km avec 1800 m de dénivelé où j’ai terminé 28ème avec un temps de 5:40:26. Sur le tiers de cette course et particulièrement pour les montées j’ai utilisé des bâtons avec la technique de marche nordique, ce qui m’a particulièrement aidé.
Pourquoi faire de la marche nordique pour un trailer ?
Tout d’abord pour son entraînement, la marche nordique est utile pour faire du volume (activité physique sans risque de blessures) et du renforcement musculaire. Pour ma préparation au trail de Font-Romeu, j’ai par exemple réalisé 20% de marche nordique dans le cadre de mon entraînement, 25% de vélo et 55% de course. Ensuite lors de la course, j’ai utilisé mes bâtons de trail en mode marche nordique avec une poussée vers l’avant. La plupart des coureurs ne savent pas utiliser correctement leurs bâtons en s’en servant seulement pour l’équilibre.
Pour les trailers, les avantages à utiliser des bâtons de trail en mode nordique sont multiples. Ils permettent tout d’abord de diffuser les efforts sur l’ensemble du corps. C’est ensuite un outil d’allègement du corps sur les articulations, très utile quand l’on coure sur des ultra-trails de type UTMB. Les bâtons permettent également d’augmenter sa vitesse dans les côtes grâce à la poussée et de gagner du temps tout en limitant l’effort musculaire des membres inférieurs. C’est un peu comme si on produisait un effort en le diffusant sur l’ensemble du corps.
La marche nordique, une pratique multi-sport ?
Je crois beaucoup à la pratique de la marche nordique dans un cadre multi-sport pour servir d’entraînement croisé avec d’autres sports comme le ski de fond (c’est d’ailleurs son origine), le longe côte, la natation et bien sûr la course à pied. Je proposais d’ailleurs des activités croisées lorsque j’ai été coach au sein de Andaine’Sports, une structure que j’ai mis pour l’instant en suspens.
Dans mes recherches actuelles sur le trail de Clécy (156 km en 6 boucles) qui s’est déroulé le 11 novembre dernier j’analyse les données de 56 coureurs concernant la fatigue musculaire, la nutrition, la privation de sommeil, l’évolution de la foulée, etc.
Dans la même optique, j’ai réalisé avec Fabrice Dosseville (Université de Caen) et Olivier Sirost (Université de Rouen) une étude sur le longe côte intitulée : Analyse de l’influence des représentations individuelles sur les modalités de pratique en longe côte. Vers une perception de l’environnement marin génératrice d’une socialisation hybride basée sur l’aventure, le nomadisme et l’éveil. Comme la marche nordique, le longe côte se développe car il permet de faire du bien sur le plan physique (renforcement musculaire) et sur le plan psycho-social (création de lien social, amélioration du bien-être). Je prévois d’ailleurs prochainement de lancer une étude de même type sur la marche nordique.
La marche nordique évolue vers les longues distances ?
De manière similaire avec l’ultra-trail, on assiste à une évolution des pratiques de marche nordique vers des longues distances. C’est très intéressant car il y a la même logique de dépassement de ses limites. Avec beaucoup de questions : faut-il garder la même technique et utiliser la même énergie ? Nous en sommes aux balbutiements de la marche nordique longue distance, mais la pratique se développe.
Pour ceux qui s’intéressent aux longues distances, mon dernier livre sur la préparation à un maratrail (distance d’un marathon, soit 42 km) peut servir de guide. Comme l’explique dans la préface le coach Eric Lacroix spécialiste du trail basé à La Réunion, il est nécessaire de se préparer et de se poser les bonnes questions pour construire son projet. Et d’éprouver de la joie à s’entraîner et à se dépasser. Mais surtout le trail m’a appris à ralentir, à prendre mon temps en restant à l’écoute de mon corps et de mon environnement. Il est possible de se dépasser tout en s’arrêtant pour admirer la nature et prendre du recul sur une vie toujours plus intense !